Dépistage du cancer colorectal : encore du chemin à faire…

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Aujourd’hui, deux ans après la recommandation de la HAS d’utiliser le test immunologique pour le dépistage organisé du CCR, la France patine encore dans le vieux test au gaïac (Hemoccult II) : six prélèvements de selles à tartiner sur des plaquettes, répartis sur trois selles successives (au lieu d’un seul trempage d’écouvillon pour le test immunologique). Soyons clair, la manipulation des selles peut largement expliquer la réticence des Français à se faire dépister : environ 32 % de la cible obtempère alors qu’il en faudrait plus de 50 % pour rentabiliser le dépistage. Trente deux pour cent, c’est 10 % de moins qu’en 2007. Nous perdons plus d’un point par an !

On nous promet la généralisation du test immunologique pour la fin 2014 (http://www.e-cancer.fr/depistage/depistage-du-cancer-colorectal/espace-professionnels-de-sante/du-test-au-gaiac-au-test-immunologique). Mais il aura fallu qu’une tribune d’experts bien sentie dans le Monde en janvier (http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/01/13/depistage-du-cancer-colorectal-agissons-maintenant_4347325_1650684.html) pour que l’appel d’offres soit enfin lancé. Déplorable. Chaque année perdue à persister dans l’Hemoccult II aura coûté environ 3 000 décès.

Déjà d’autres outils de dépistage commencent à faire parler d’eux : test urinaire (http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/02/28/22055-cancer-bientot-detectable-chez-soi-heure), test sanguin (http://www.unifr.ch/news/fr/11611/). Récemment, j’ai assisté à la présentation d’un algorithme qui, avec les données relatives aux hématies/hémoglobine d’une prise de sang standard, est capable de dépister le CCR mieux que l’Hemoccult II. Combien d’années faudra-t-il pour disposer des tests sanguins ou urinaires ? Et pour une chose aussi peu traditionnelle qu’un algorithme, combien de décades ?

La première constatation qui s’impose, c’est que les associations de patients, comme les médecins, ne sont pas très doués pour accélérer la mise à disposition de l’innovation en termes de dispositifs médicaux. Pour les médicaments, elles commencent à avoir de l’expérience, mais pour les dispositifs médicaux, elles avancent à tâtons dans un labyrinthe réglementaire et politique riche en zones d’ombre et de non-dit.

La seconde constatation, c’est que gaïac, immunologie, sang, urine ou algorithme, le dépistage passera toujours à travers le filtre du médecin généraliste. Aujourd’hui, c’est lui remet le kit de dépistage Hemoccult II et il en sera de même demain avec le test immunologique. Paradoxalement, alors que le pourcentage de personnes qui font le test de dépistage du CCR recule un peu plus chaque année, les organismes régionaux qui gèrent ce dépistage se plaignent du fait que les généralistes sont de plus en plus réticents à recevoir leurs représentants : surcharge de travail et ras-le-bol de la pression des caisses primaires et des diktats étatiques sont les raisons le plus souvent invoquées.

Il est grand temps :

  • d’exiger davantage de campagnes d’information grand public centrée sur les dangers de cette maladie toujours mal connue : le CCR tue trois à quatre fois plus de Français que les accidents de la route et davantage de personnes que le cancer du sein, mais trop peu de personnes le savent.
  • de s’organiser pour remobiliser les généralistes dans leur rôle de promoteurs du test ;
  • d’impliquer de nouveaux acteurs de proximité dans la promotion du dépistage du CCR : pharmaciens, infirmières libérales, travailleurs sociaux, associations de quartier, etc. La proximité est de mise lorsqu’il s’agit de vaincre des résistances liées à la méconnaissance ou à la gêne face à un test qui implique de manipuler les selles.

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